• Les bonnes vieilles méthodes de la fameuse Françafrique


    Le président français l'a voulu. Idriss Déby agissant en super intendant à Ndjamena l'a exécuté. Les six Français de l'affaire de l'Arche de Zoé sont graciés. La forme est sauve. Mais les faits tels qu'ils se sont déroulés montrent que peu de choses sont sur le point de changer dans les relations franco-africaines. En effet, dès le début du scandale des enfants tchadiens que l'Ong française a voulu transférer dans l'Hexagone en les présentant comme des orphelins du Darfour, Nicolas Sarkozy s'est adonné à un show politico médiatique de mauvais gout. Devant les caméras, le locataire de l'Elysée a annoncé son intention d'aller chercher ses six compatriotes et les ramener au pied de la Tour Eiffel quoi qu'ils aient fait. Le tollé provoqué par cette déclaration a été si fort qu'il a dû se raviser. Uniquement sur la forme. Pour l'essentiel, le successeur de Chirac n'a rien lâché. Il veut la libération des Français. Il l'aura. Quand en février, les rebelles tchadiens sont dans la capitale, Paris tient en main les cartes. En deux jours, les hommes de Mahamat Nouri et leurs alliés ont le contrôle de la quasi-totalité de Ndjamena.


    Le chef de l'Etat, Idriss Deby est coincé dans son palais entouré de chars et de quelques centaines de fidèles. Il est à la merci des ses opposants armés. Paris laisse monter la pression pour montrer à Deby que la situation est désespérée, une offre d'exfiltration lui est proposée. Commencent alors les grandes manoeuvres. Paris qui a la clé de la crise militaire entre en jeu. Choquant Directement ses avions bombardent les colonnes de rebelles que les Français avaient laissé entrer dans la ville. L'étau se desserre autour du palais. Les diplomates français obtiennent de la Lybie la fourniture d'urgence d'armes et de munitions à l'armée tchadienne qui en manquait cruellement. Le rapport des forces est ainsi inversé. Les rebelles quittent leurs positions et Deby est sauvé. Moins d'une semaine plus tard, le miraculé de Ndjamena est interrogé par une chaine de télévision française. Il révèle être prêt à gracier les condamnés français de l'Arche de Zoé. C'était le but de toute la manoeuvre. Sarkozy a donc sorti ses compatriotes des prisons françaises. Ils avaient, auparavant, été extraits des geôles à Ndjamena où des condamnés tchadiens dans la même affaire croupissent. La France peut tout en Afrique pour ses ressortissants. Mais on aura compris qu'elle ne peut rien pour les Africains, victimes de ses ressortissants pour lesquels elle aura remis au goût du jour les bonnes vieilles méthodes de la fameuse « Françafrique ».

    En effet, avec un mépris qui frise le ridicule, Paris refuse de payer les quelques quatre milliards de francs Cfa de dommages et intérêts, prononcés contre les graciés par la justice tchadienne. « Pas question que le contribuable paye pour des fautes que la France n'a pas commises » a lancé, non sans cynisme, le Premier ministre François Fillon. C'est choquant ! Dembélé Al Seni.

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  • Opposants disparus : rapport accablant pour N’Djamena
    Diane Lebel
    SOURCE: QUOTIDIEN LIBÉRATION : mardi 26 février 2008
     Alors que la France multiplie, toujours sans succès, les demandes «d’informations» et «d’éclaircissements» sur le sort des opposants tchadiens disparus, un rapport d’Human Rights Watch (HRW) accable clairement les autorités de N’Djamena. Ibni Oumar Mahamat Saleh, le porte-parole de la principale coalition de l’opposition, et Ngarlejy Yorongar, un député fédéraliste, sont portés disparus depuis le 3 février, au moment de l’offensive rebelle sur la capitale. Leurs familles sont sans nouvelles d’eux, et plus étonnant, le gouvernement assure ne pas en savoir plus et propose même d’ouvrir une enquête.

    Peu de doutes. Les témoignages recueillis par la très respectée ONG américaine à N’Djamena laissent peu de doutes sur l’implication du gouvernement d’Idriss Déby. Des voisins témoignent de l’arrestation musclée de Yorongar, chez lui, par une dizaine de soldats qui l’ont poussé dans une Toyota beige, la voiture standard de l’armée tchadienne, sans plaque d’immatriculation. La description précise des uniformes des militaires, avec leurs épaulettes jaunes, ne laisse pas de doutes sur leur appartenance aux forces régulières. Deux heures plus tard, Ibni Oumar Mahamat Saleh subissait le même sort. Il y a une dizaine de jours, le ministre de l’Intérieur tchadien, Ahmat Mahamat Bachir, affirmait que les deux opposants avaient été enlevés lorsque les quartiers de la capitale étaient aux mains des rebelles. Mais l’enquête a démenti ces affirmations, indiquant que «dans chacun des cas , les forces de sécurité du gouvernement avaient repris un contrôle total des quartiers en question avant l’heure indiquée de leur détention». Le gouvernement a fait croire à une «réapparition» de Yorongar près de son domicile. C’était une fausse nouvelle et la famille dénonce «une torture morale».

    HRW s’est penché sur le cas d’un troisième opposant, Lol Mahamat Choua, figure de proue de l’opposition, mystérieusement retrouvé dans une prison militaire une semaine après sa disparition. Celui que les autorités ont décrit comme un «prisonnier de guerre», «capturé sur le champ de bataille» en plein QG des rebelles, a lui aussi été embarqué à son domicile dans cette même journée du 3 février. Là encore, deux témoignages concordants accablent le pouvoir. Les soldats qui ont procédé à l’arrestation de Choua étaient armés de fusils noirs, l’arme réservée aux soldats de la Garde présidentielle. Choua est toujours détenu sans chef d’accusation dans une prison militaire de N’Djamena, privé de la visite de sa famille ou de son avocat. Cette vague d’arrestations aurait pu faire beaucoup plus de victimes, comme l’indique le rapport ; de nombreux opposants n’ont dû leur salut qu’à une plongée dans la clandestinité.

    «Argent comptant». Pour Reed Brody, un des responsables de l’ONG, «il est impossible de savoir si les opposants arrêtés sont encore en vie». Ce ne sont certes pas les annonces contradictoires du gouvernement tchadien qui permettent d’en savoir plus. Les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept ont tous exprimé leur «profonde inquiétude concernant l’arrestation de membres de l’opposition politique non armée du Tchad».«la tendance de Paris à donner du crédit aux affirmations des officiels tchadiens, qu’ils semblent prendre pour argent comptant». Pour certains enquêteurs de l’ONG, il semblerait «très étonnant» que les autorités françaises n’aient pas été au courant de ces arrestations depuis le début. La France insiste sur la nécessité d’avoir des informations sur leur sort. Mais Reed Brody déplore «la tendance de Paris à donner du crédit aux affirmations des officiels tchadiens, qu’ils semblent prendre pour argent comptant». Pour certains enquêteurs de l’ONG, il semblerait «très étonnant» que les autorités françaises n’aient pas été au courant de ces arrestations depuis le début.


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  • © AFP
    Montage photo de Ibni Oumar Mahamat Saleh (G), Lol Mahamet Choua (C) et Ngarlejy Yorongar
    © AFP/Archives

    L'annonce des autorités tchadiennes affirmant qu'elles avaient retrouvé l'opposant Ngarlejy Yorongar, disparu depuis le 3 février, est une "diversion pour attirer" au Tchad le président français Nicolas Sarkozy, a déclaré samedi à l'AFP l'avocat des opposants.

    "C'est une diversion pour attirer le président Sarkozy. Le président français voudrait faire une escale, ici, alors ils (les responsables tchadiens) font des annonces. Mais, c'est un montage grossier", a estimé Me Mahamat Hassan Abacar, joint par téléphone depuis Libreville.

    "Ni sa famille ni ses proches n'ont de nouvelles. Nous avons envoyé un avocat du collectif sur place (dans le quartier de Moursal de N'Djamena où les autorités affirment que M. Yorongar est "réapparu") et personne ne l'a vu", a ajouté l'avocat.

    "Nous sommes à la fois optimistes et pessimistes sur leur sort (les deux opposants encore disparus, ndlr). Optimistes parce que nous pensons et espérons qu'ils sont vivants. Pessimistes aussi, le gouvernement qui les a fait arrêter par la garde présidentielles doit nous apporter la preuve de leur décès s'ils sont morts", a-t-il reconnu.

    "Nous sommes inquiets. Le régime n'en est pas à sa première arrestation et liquidation", a conclu l'avocat.

    Vendredi, le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner avait indiqué que le Tchad devait remplir "un certain nombre de conditions" et notamment que la lumière soit faite sur le sort de trois opposants, avant une éventuelle visite du président Sarkozy.

    "Il est question en effet que sur le chemin de l'Afrique du Sud, (M. Sarkozy) s'arrête au Tchad. La décision n'est pas prise", avait déclaré M. Kouchner.

    Le président Sarkozy se rendra les 28 et 29 février au Cap (Afrique du Sud) pour une visite officielle.

    Les autorités tchadiennes ont affirmé vendredi que M. Yorongar était "réapparu" dans son quartier à N'Djamena. Paris a dit attendre "confirmation" de la nouvelle.

    Mais les membres de la famille du député fédéraliste disent ne pas avoir de nouvelles. Le quartier de "Moursal n'est pas plus grand que l'Ile de la Cité à Paris. Il est l'homme le plus connu là-bas. J'ai eu des coups de téléphone d'oncles, de parents, d'amis. Personne ne l'a vu", s'est insurgé vendredi soir le fils de l'opposant Rokoulmian Yorongar, installé en France depuis cinq ans

    Le sort d'Ibni Oumar Mahamat Saleh, l'autre grande personnalité de l'opposition disparu depuis l'offensive ratée de la rébellion sur N'Djamena les 2 et 3 février, est aussi inconnu.

    La troisième figure de l'opposition, l'ancien chef de l'Etat Lol Mahamet Choua, a été porté disparu pendant plusieurs jours avant que les autorités le retrouvent "vivant" le 14 février et reconnaissent qu'il est détenu.

    "Lol Mahamat Choua a été retrouvé en flagrant délit avec les mercenaires et se trouve entre les mains de la police judiciaire pour le besoin de l'enquête", avait assuré vendredi M. Allam-Mi.

    Cette affirmation avait soulevé l'indignation du parti de Lol Mahamat Choua, le Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès, la qualifiant de "mensonge politique".

    Les trois opposants sont les symboles de l'accord du 13 août signé avec le pouvoir sous l'égide de l'Union européenne, paraphé par la France et les Etats-Unis. Ce texte est censé favoriser la démocratisation et l'émergence d'un Etat de droit à l'horizon 2009 et sortir le pays de la logique de guerre qui le déchire depuis trente ans.

    Source:AFP, LIBREVILLE, - samedi 23 février 2008 - 10h16 -


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  • Il y a eu hésitations, confusions et contradictions. Mais au bout du compte, la France est venue au secours du régime du président tchadien Idriss Déby Itno, pour la seconde fois en moins de deux ans. Le Tchad constitue une base stratégique essentielle au déploiement des forces françaises, en plein cœur de l’Afrique, à proximité du conflit soudanais, du golfe de Guinée gorgé de pétrole, et de l’uranium nigérien. C’est aussi le bastion français le plus proche de Fachoda, vieux complexe jamais vraiment évacué. Réagir à l’action des rebelles, c’était avant tout réaffirmer sa position sur l’échiquier de la sous-région.

    Le ministère de la Défense continue à démentir l’intervention de l’armée. Mais les rebelles persistent, et condamnent l’absence de neutralité française, « sans équivoque partie prenante dans le conflit du Tchad ». Ils récusent ainsi la légitimité de l’Eufor pour participer au retour de la paix au Darfour. Cette force d’intervention européenne, que la France doit commander sur le terrain, a commencé à se déployer. Son arrivée était au cœur des enjeux de l’avancée des rebelles sur N’Djamena soutenus indirectement par Khartoum, et au centre des tergiversations françaises.

    La France a également fini par réagir, après un long silence embarrassé, à propos des opposants emprisonnés au moment où les rebelles quittaient la capitale. Paris a demandé une « clarification sans délai », notamment « des informations précises sur les motifs pour lesquels ils ont été emprisonnés, sur les lieux où ils se trouvent, et sur les procédures judiciaires dont les autorités tchadiennes pensent qu’elles leurs sont applicables ».

    Une intervention française n’aurait de sens que si elle obtenait du président Déby non pas seulement la grâce des aventuriers de l’Arche de Zoé, mais des garanties en termes de démocratisation du régime et de respect de droits humains, notamment dans la gestion des revenus pétroliers. La rupture voulue par le chef de l’État français, Nicolas Sarkozy, ne peut être perceptible que si Paris se range pour une fois du côté de la population tchadienne, seule vraie victime de ces combats à répétition.

    Lucas Patriat
    Source: Marchés Tropicaux


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