• L’affaire des disparus de l’opposition embarrasse Paris

    Chaque jour, l’embarrassante affaire des opposants «disparus» au Tchad apporte son lot de révélations plus ou moins sérieuses. Vendredi, le chef de la diplomatie tchadienne, Ahmad Allam-Mi, a confirmé à Paris l’annonce faite depuis N’Djamena par son homologue de l’Intérieur : Ngarlejy Yorongar, l’un des trois opposants portés disparus depuis l’attaque de la capitale par des rebelles qui ont failli renverser le président Idriss Déby, a été «retrouvé vivant dans son quartier». Mais à N’Djamena, pas de Yorongar : son frère, contacté par Libération, ne l’a pas revu… depuis le 3 février.

    «Exactitude». De plus en plus critiqué, notamment pas le Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme, le gouvernement tchadien multiplie les annonces contradictoires ou à retardement. Jeudi, un communiqué de N’Djamena annonçait que «l’enquête diligentée notamment par la police judiciaire et la direction des renseignements militaires n’a pas jusqu’à ce jour permis de retrouver toutes les personnalités portées disparues […]». De même, les autorités disent ne pas avoir pu «déterminer avec exactitude les circonstances de leur disparition» (sic). Selon leurs proches et d’après les témoignages concordants recueillis par les organisations internationales des droits de l’homme, les disparus ont été enlevés à leur domicile par des hommes en uniforme de la garde présidentielle, au lendemain du raid raté des rebelles sur N’Djamena.

    Ainsi, le pouvoir a annoncé la semaine dernière avoir «retrouvé» Lol Mahamat Choua dans une prison militaire. Seuls l’ambassadeur de France et le représentant de l’Union européenne ont pu lui rendre visite. Il serait en bonne santé selon le diplomate européen. Vendredi, le ministre des Affaires étrangères l’a qualifié de «prisonnier de guerre», assurant qu’il avait été «pris sur le champ de bataille, au QG de Nouri [le chef de la rébellion, ndlr]. Qu’est-ce qu’il faisait là ? C’est à la justice de le dire». On a du mal à imaginer cet ex-président âgé de 68 ans les armes à la main. Lol Mahamat Choua, très respecté, est l’un des chefs de file de l’opposition non armée et l’un des signataires clés, avec Yorongar, de l’accord de partage du pouvoir du 13 août 2007 parrainé par l’Union européenne, et jamais appliqué. Quant au troisième disparu, Mahamat Saleh Ibni Ouma, porte-parole de la principale coalition d’opposition, on reste toujours sans nouvelles de lui. Ces hommes, ainsi que les représentants de la société civile, en fuite ou se cachant pour échapper à la vindicte de Déby, incarnent l’espoir d’une relève pacifique dans un pays lassé du morbide face-à-face entre les rebelles et le Président.

    Complaisance. Cette affaire embarrasse au plus haut point la France, qui n’a pas ménagé son soutien à Déby. Certains membres de l’Eufor, la force européenne à dominante française en cours de déploiement dans l’est du Tchad, comme l’Autriche, jugent la complaisance de Paris intenable. Or Nicolas Sarkozy envisage de faire une courte visite au Tchad à l’occasion de son voyage en Afrique du Sud, en fin de semaine prochaine. Il pourrait évoquer le sort des six condamnés de l’Arche de Zoé, qui ont introduit une demande de grâce auprès de Déby. Sans le retour des disparus, l’escale tchadienne est compromise.

    CHRISTOPHE AYAD
    QUOTIDIEN : samedi 23 février 2008 <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

    Source : www.tchadactuel.com<o:p></o:p>

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