• <o:p> </o:p>Les dirigeants (politiques et ceux du monde des affaires) français continuent de se comporter comme si la “mondialisation” était sans conséquences sur la formation des opinions publiques locales en Afrique: en effet, les parisiens suivent le même journal de 20 heures (sur TF1 ou sur France2, CNN, BBC, DW, …) que les Conakrykas, les Bamakois, les Dakarois ou les Banguissois… Ils lisent la même page du Parisien, du Figaro ou du Monde sur Internet. Ils ont tous - au même niveau technologique - des blogs pour échanger des idées et des informations. … <o:p></o:p>

    Cependant, à Paris, on continu d’agir comme si on était encore en Novembre 1944, quand le massacre à Thiaroye (Sénégal) par l’armée française des “tirailleurs sénégalais” - qui venaient de libérer <st1:PersonName productid="La France" w:st="on">la France</st1:PersonName> de l’occupation Allemande - était une affaire de quelques “initiés” qui pouvaient avoir un transitor et comprendre la langue française.<o:p></o:p>

    Cette attitude, pour aussi archaïque qu’elle soit, est tout à fait justifiée: nous avons un comportement pour le moins ridicule à bien des égards.<o:p></o:p>

    Quelle est notre part de responsabilité dans la situation dramatique où nous semblons comdamnés à vivre éternellement?<o:p></o:p>

    Pourquoi toutes les autres communautés arrivent à relever le défi de la domination de l’Occident sur le chemin du Développement, alors que nous continuons à demeurer immuablement les “Damnés de <st1:PersonName productid="la Terre" w:st="on">la Terre</st1:PersonName>”?<o:p></o:p>


    Qu’est-ce qui rend le Réalisme indigeste à notre mentalité?<o:p></o:p>


    Pourquoi nous complaisons-nous à maintenir, contre vents et marées, les entraves à notre émancipation?<o:p></o:p>

    Voila autant de questions qui, considérées avec «la raison» et non «l’émotion», devraient nous conduire à adopter des attitudes plus responsables; comme entre autres: «Nettoyer au kärcher» l’Afrique de la racaille qui l’étouffe depuis des Siècles.<o:p></o:p>

    Première Partie: <o:p></o:p>

    La présence militaire française en Afrique: une pure relique de la colonisation.<o:p></o:p>

    Qui avait dit que «la colonisation mentale était plus difficile à bannir»?<o:p></o:p>

    Cinquante ans après les indépendances, bientôt 20 ans après la chute du mur de Berlin, il y a encore des Africains qui sont convaincus de “l’utilité” de ces reliques de la colonisation que sont les bases militaires françaises en Afrique: véritables symboles de la domination de Paris sur le Continent. Dakar, Abidjan (Eh oui!), Ndjamena, Libreville, … continuent d’abriter soigneusement le loup dans la bergerie.<o:p></o:p>

    Feu Houphouët Boigny avait fait enterrer le projet de “Communauté” de l’Afrique Occidentale Française sous prétexte que Dakar (capitale de l’AOF) allait prioritairement bénéficier des investissements communautaires; alors que <st1:PersonName productid="la Côte" w:st="on">la Côte</st1:PersonName> d’Ivoire - de par ses richesses - serait la principale pourvoyeuse du budget “fédéral” (une sorte de vache laitière, quoi!): ce que Abidjan a vigoureusement refusé à Dakar, est revenu gentiment à Paris.<o:p></o:p>


    En effet, jusqu’à la fin des années 90, <st1:PersonName productid="la Côte" w:st="on">la Côte</st1:PersonName> d’Ivoire était présentée par les média français - et certains apprentis sorciers qui sont prompts à s’auto-introniser “spécialistes” de l’Afrique ou “africanistes” - comme un modèle de “décolonisation” réussi (sic!): les entreprises françaises se taillaient la part du lion dans tous les secteurs: eaux, électricité, bâtiments et travaux publics, produits pétroliers, produits agricoles d’exportation (café et cacao), … <o:p></o:p>

    Cela n’a pas empêcher, en novembre 2004, les “Mirages” de Paris de décoller du Gabon (État africain souverain, membre - comme <st1:PersonName productid="la Côte" w:st="on">la Côte</st1:PersonName> d’Ivoire - de <st1:PersonName productid="la CEDEAO" w:st="on">la CEDEAO</st1:PersonName> et de l’Union Africaine, qui sont régis - entre autres - par des conventions de non agression entre les membres) pour venir frapper la chasse ivoirienne à Yamoussoukro; ni les soldats de <st1:PersonName productid="La France" w:st="on">la France</st1:PersonName> d’ouvrir le feu sur les manifestants devant l’Hôtel Ivoire (Quartier Général de circonstance des forces françaises en Côte d’Ivoire). <o:p></o:p>

    Abidjan n’a jamais “osé” franchir le Rubicon et dénoncer les fameux “accords de défense” et se débarrasser - à l’occasion - de la 3ième BIMA. <o:p></o:p>

    Et ce, malgré la réponse claire et nette de M. Jacques CHIRAC (alors président de <st1:PersonName productid="la République" w:st="on">la République</st1:PersonName>) sur les antennes de RFI à la question d’un journaliste: «…, s’ils ne veulent pas de nos bases, nous les démontons». <o:p></o:p>

    En clair, le “négrier” déclare - publiquement et à la face du Monde entier - être disposé à enlever les entraves du “nègre” qui le lui demandera; mais, aucun ne lève le doigt pour qu’on lui enlève les chaines. C’est comme si on était obséder par la question: «que deviendrons-nous sans ces chaines?»<o:p></o:p>

    Comment peut-on raisonnablement attendre de ces gens (fidèles à Paris) qu’ils entreprennent eux-mêmes de se débarrasser de ces chaines? Comment ces gens-là peuvent-ils aider à la libération d’autres peuples du joug du même oppresseur anti-nègres depuis 6 Siècles? <o:p></o:p>

    En Décembre <st1:metricconverter productid="1986, L" w:st="on">1986, L</st1:metricconverter>'Assemblée générale des Nations unies demande par 89 voix contre 24 et 34 abstentions la réinscription de <st1:PersonName productid="la Nouvelle-Calédonie" w:st="on">la Nouvelle-Calédonie</st1:PersonName> sur la liste des territoires ayant vocation à l'indépendance. Devinez de quelle partie du Monde venait la majorité de ces 24 voix: des pays francophones d’Afrique. Pardi!<o:p></o:p>


    Au nom de “sacro-saints liens historiques” avec l’oppresseur d’hier et d’aujourd’hui, on aide fièrement le “négrier” à maintenir nos frères Kanaks dans l’oppression ségrégationniste la plus barbare de cette fin du vingtième Siècle: Channel Africa, sous l’apartheid, diffusait des émissions qui ambitionnaient de démontrer que les Noirs d’Afrique du Sud étaient mieux traités que les Mélanésiens de <st1:PersonName productid="la Nouvelle-Calédonie. Et" w:st="on">la Nouvelle-Calédonie. Et</st1:PersonName>, nous tenons à ce que les membres des autres Communautés nous considèrent avec respect (sic!). <o:p></o:p>

    Quels usages l’Afrique fait-elle de sa Souveraineté, de son “Indépendance” et de <st1:PersonName productid="la Solidarité" w:st="on">la Solidarité</st1:PersonName> interafricaine?<o:p></o:p>

    En Avril 1986, Paris (allié des États Unis d’Amérique) avait refusé que les chasseurs bombardiers F-111 étatsuniens, basés au Royaume Uni, survolent son territoire pour aller frapper <st1:PersonName productid="la Lybie. Les" w:st="on">la Lybie. Les</st1:PersonName> Étatsuniens ont dû grincer des dents; mais, ont été obligés de rallonger la trajectoire de leurs aéronefs de <st1:metricconverter productid="1.200 miles" w:st="on">1.200 miles</st1:metricconverter> nautiques, pour aller bombarder Tripoli et Bengazi sur la côte méditerranéenne. L’Histoire ne nous dit pas si un des pays africains traversés par la chasse française pour bombarder Yamoussoukro avait émis des protestations; et pour cause!<o:p></o:p>

    L’Allemagne, hôtesse (malgré elle?) des plus grandes bases militaires étatsunienes en Europe, avait (avec Paris qui, n’a pas de bases militaires étrangères sur son territoire) protesté - ne serait-ce que par principe - contre l’invasion étatsuniene en Iraq.<o:p></o:p>

    Pourtant, l’Allemagne avait beaucoup à perdre: plus de 60 milliards de dollars étatsuniens par an, en divers approvisionnements des troupes étatsunienes sur son territoire. On peut donc comprendre que le “réalisme” ait dû pondérer la position de Berlin sur la question.
    Cependant, jamais au plus grand jamais, Washington ne s’est mêlé des affaires intérieures allemandes! Ceux-ci n’auraient jamais accepté et auraient renoncé au pactole étatsunien pour préserver leur souveraineté. Quand on sait combien de fois <st1:PersonName productid="la Cellule Africaine" w:st="on">la Cellule Africaine</st1:PersonName> de l’Elysée a fait et défait des pouvoirs, et/ou influencé des décisions au sommet de ces micros États (improductifs et peu viables) à l’aide de ce dispositif militaire et d’autres artifices du genre Club de Paris et Agence Française du “Développement”, on est en droit de s’inquiéter sérieusement sur le niveau de notre “majorité”. <o:p></o:p>

    Illusion, quand tu nous tiens!<o:p></o:p>

    Mais, quel est le rapport avec les petites bases militaires françaises sur le Continent (le petit territoire géostratégique Djiboutien, avec quelques 2500 hommes, rassemble à lui seul plus de soldats français que les “bima” de Dakar, Abidjan, Ndjamena et Libreville réunies avec chacune quelques 600 militaires)? Quels sont leurs apports sur les budgets des villes de Dakar, Abidjan, …? Quels en sont leurs impacts sociaux et économiques sur les habitants de ces villes? <o:p></o:p>

    À supposer que ces impacts existent réellement; ne constituent-ils pas une dangereuse dépendance soumise aux aléas dont seul Paris détient le contrôle?<o:p></o:p>

    Entre mi-1997 et mi-1998, Paris avait décidé, mis à exécution le “redéploiement de son dispositif militaire en Afrique” et imposé à la seule République Centrafricaine l’immense poids de ce redéploiement: la fermeture de toutes ses bases de Bouar et Bangui qui hébergeaient quelques 1550 personnes. Le pays ne s’est jamais remis des séquelles politiques, économiques et sociales de se retrait imposé. En considérant le drame humain que vivent les populations de ce pays depuis, nous pouvons mesurer toute l’étendu de l’humanisme pro-nègre de Paris.<o:p></o:p>

    Et puis, entre-nous, si le poids économique d’un millier de personnes peut peser aussi sensiblement sur l’équilibre d’un État, peut-on considérer ce dernier comme étant capable d’assumer sa Souveraineté?<o:p></o:p>

    D’ailleurs, de qui ces bases protègent les pays concernés? <o:p></o:p>

    À quoi servent-elles réellement si ce n’est, finalement, à permettre Paris d’exercer sa volonté contre un autre État africain et, contre - parfois et, on l’a vu avec <st1:PersonName productid="la Côte" w:st="on">la Côte</st1:PersonName> d’Ivoire- le pays hôte lui-même? <o:p></o:p>

    Mais, on s’y accroche bec et ongles. Par pure illusion. Car, à y regarder de près, <st1:PersonName productid="La France" w:st="on">la France</st1:PersonName> ne peut rien (le voudra-t-elle?) contre une sérieuse menace à l’endroit des pays qui ont des “accords de défense” avec elle. Il suffit pour comprendre cela de suivre l’actualité. <o:p></o:p>

    Le Liban, un pays du Moyen Orient de la taille de ces pays africains signataires d’accords néocoloniaux, a misé sur la soit disant “puissance” de Paris pour assurer son indépendance politique (vis à vis de <st1:PersonName productid="la Syrie" w:st="on">la Syrie</st1:PersonName>) et vivre dans la quiétude (entre le marteau chiite et l’enclume israélienne). <o:p></o:p>

    Qu’est-ce que Paris avait pu faire en Août 2006 pour empêcher Tsahal de s’offrir une “villégiature” de trois semaines au pays du cèdre, avec la permission officielle de Washington?
    Les diplomates français avaient couru comme des diables pour obtenir un simple cessez-le-feu, sans succès. Seul le Hezbollah avait réussi à perturber sensiblement la promenade de l’armée Israélienne. <o:p></o:p>

    Aujourd’hui encore, avec pourtant un mandat des Nations Unies, <st1:PersonName productid="La France" w:st="on">La France</st1:PersonName> n’arrive pas à empêcher les “inspections” des aéronefs israéliens dans l’espace aérien Libanais. Et, les pilotes de Tsahal (très habiles, il parait) ne se privent pas de jouer avec les nerfs des soldats “africains” de Paris. Ceux-ci, la rage au ventre, n’oseraient même pas porter le doigt sur la gâchette pour simuler une riposte: cela pourrait être dangereux, Tel Aviv n’étant pas Yamoussoukro.<o:p></o:p>


    Alors, pour quoi - Nom de Dieu (Unique et sans associé) - s’accrocher à ces reliques? Si ce n’est pour afficher à la face du monde notre mentalité de Dominés Éternels! Et donner à un petit bout d’ambitieux l’occasion de nous insulter en parlant de «mains tendues» pour justifier son arrogance vis à vis de ses nouveaux compatriotes venus d’Afrique.<o:p></o:p>

    Gorko WURO 
    Conakry, Guinée.     
    E-Mail: gorko.wuro@yahoo.com<o:p></o:p>

    Février 2008.<o:p></o:p>

    PS: Vous pouvez publier ou faire publier cette analyse où vous voulez; ce que son auteur attend de vous est que vous preniez la peine de réagir à son contenu. Vous êtes également invité à expédier cet article à tous vos amis africains susceptibles de comprendre son contenu où qu’ils soient dans le monde.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>


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  • Le Pilatus, ce discret avion "civil" suisse qui bombarde les rebelles tchadiens     Le Pilatus PC-9 a-t-il été utilisé par N'Djamena pour bombarder les positions des rebelles tchadiens ? Une polémique se développe en Suisse autour de ce petit avion biplace vendu en juillet 2006 au Tchad par l'entreprise helvétique Pilatus, basée à Stans (canton de Nidwald). Le Conseil fédéral (gouvernement) avait alors donné son feu vert, après que les autorités tchadiennes s'étaient engagées à n'utiliser l'appareil que pour des exercices d'entraînement. Vœux pieux qui se sont apparemment envolés...    Vendredi 8 février, "10 vor 10", une émission de la télévision suisse alémanique, a ainsi montré deux photos prises, fin janvier, au Tchad. Sur la première, le petit appareil, prêt à décoller, est équipé de deux bombes à fragmentation. Sur la seconde, le même avion, de retour de mission, s'est délesté de son chargement. Mi-janvier, des clichés d'un "vieux" Pilatus PC-7 - livré au Tchad il y a quinze ans par la France -, équipé de deux canons automatiques, étaient déjà tombés entre les mains de "10 vor 10".

    Une semaine auparavant, l'AFP, citant des sources militaires, avait fait état de bombardements sur des positions de rebelles tchadiens, dans laquelle l'appareil suisse avait été engagé, provoquant la mort de trois civils.

    La commission de politique extérieure du Conseil national (Parlement) a pourtant refusé, mardi 12 février - par 15 voix contre 10 - de considérer les Pilatus comme du matériel de guerre, rejetant une motion déposée par des députés de gauche.

    Depuis 1996, l'appareil est soumis à la loi sur le contrôle des biens à double usage (civil et militaire). Son exportation est autorisée partout, sauf dans des pays mis sous embargo par l'UE ou l'ONU. La veille, Doris Leuthard, ministre suisse de l'économie, avait expliqué que même "les lois les plus sévères ne peuvent empêcher un abus", avant d'ajouter que "seul un abandon complet des ventes d'avions à l'étranger permettrait de l'éviter" et qu'"une telle décision mettrait en péril des postes de travail en Suisse".

    Reste que l'"autre Suisse", celle qui est dépositaire des Conventions de Genève sur la protection des civils et engagée dans l'aide humanitaire et au développement, est mal à l'aise. A Berne, on assure que l'affaire sera tirée au clair. Le secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) enquête et doit rendre ses conclusions d'ici au mois d'avril.

    Mais depuis longtemps, tout spécialiste sait que le Pilatus est l'un des avions civils les plus faciles à transformer en machine de guerre. Des cas ont été signalés en Birmanie, en Irak, au Chili, en Angola. Selon le Groupe d'une Suisse sans armée (GSSA), l'appareil PC-9 aurait été utilisé dans des bombardements près de Hadjer Marfaïne, dans l'est du Tchad, deux mois après sa livraison.
    Une situation que Caroline Morel, de l'ONG Swissaid, juge incohérente : "Nous accordons une aide humanitaire au Tchad et au Darfour, et en même temps des avions suisses sont utilisés pour des attaques aériennes qui touchent des civils, ce qui réduit fortement les efforts de développement." Contactée, la société Pilatus, elle, n'a pas souhaité s'exprimer.

    Agathe Duparc
    Article paru dans l'édition du 15.02.08.


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  •  L'intégralité du débat avec Pour Jean-François Bayart, directeur de recherche au CNRS, l'intervention de la France à N'Djamena s'inscrit "dans la continuité de la politique de soutien au président Déby menée depuis 1990".

    Les 2 et 3 février, "la chaîne de commandement allait directement de Nicolas Sarkozy aux responsables militaires français sur le terrain", affirme-t-il. Il estime que ce soutien au régime tchadien aura un "coût politique préoccupant" en Europe.



      
    LSO : Comment savez-vous que le président Sarkozy a engagé des militaires appartenant au commandement des opérations spéciales (COS) le 2 février ? La France dément.

    Jean-François Bayart : Il y a d'une part des journalistes sérieux, du journal La Croix en l'occurrence, qui ont publié ces informations dans l'édition du 8 février, les ont largement confirmées le 11 février et par ailleurs, je dispose de sources propres venant de N'Djamena.


    Garfunk : Nicolas Sarkozy avait promis la rupture avec les pratiques des précédents présidents de la République dans le domaine africain. Or, à la première occasion, il semble montrer qu'il n'en fait rien...


    Jean-François Bayart : Oui, ce n'est pas franchement étonnant. Nicolas Sarkozy, avant et pendant la campagne, avait promis cette rupture. Le soir de son élection, il a eu des propos très encourageants à ce sujet en se posant comme héraut de la cause des droits de l'homme et de la démocratie dans le monde.

    Malheureusement, son discours à l'université de Dakar au mois de juillet a ! très rapidement montré qu'il se faisait une idée archaïque, et même rétrograde, des sociétés politiques africaines. Sa visite à Moscou a montré qu'il était impuissant sur la question tchétchène, et prêt à mettre beaucoup de ses principes sous le mouchoir de la Realpolitik. Sa visite en Chine a été encore plus éloquente sur ce plan. Et s'il avait encore fallu des preuves, l'accueil qu'il a réservé à Kadhafi en décembre a été parfaitement illustratif.

    De ce point de vue, les choix qu'il a faits à N'Djamena s'inscrivent malheureusement dans la continuité de la politique de soutien au président Déby menée depuis 1990 par les gouvernements successifs.


    Aladin : Selon vous, quand l'intervention "directe" française a-t-elle été décidée et à quel niveau ?


    Jean-François Bayart : La date exacte, je n'en sais rien. Il est clair qu'au moins un officier français a assuré la coordination des forces armées du président Déby l! e 1er février, à 50 km au nord-est de N'Djamena, à Massaguet et à l'initiative, très vraisemblablement, du président Sarkozy, ou en tout cas de son état-major particulier.

    Les 2 et 3 février, le soutien français sur le terrain s'est avéré plus consistant, et la chaîne de commandement allait directement de Nicolas Sarkozy et de son état-major particulier aux responsables militaires français sur le terrain, le ministère des affaires étrangères semblant avoir été très largement court-circuité. Le président Sarkozy et le président Déby ont eu des contacts directs, notamment pendant le week-end des 2 et 3 février.


    Bardi : Quelle serait la position de la France si l'on apprenait qu'au Tchad des opposants démocrates avaient été assassinés par les hommes du président Déby ?


    Jean-François Bayart : C'est une question qu'il faut poser à MM. Kouchner et Sarkozy. Bien entendu, les autorités françaises, et notamment M. ! Kouchner, se sont enquis du sort des opposants démocrates dès que la nouvelle de leur arrestation a filtré. Le ministre de la défense nationale, M. Morin, semblait plus philosophe sur ce plan.

    J'ignore si M. Sarkozy a lui-même donné de la voix, mais l'essentiel est ailleurs : l'arrestation, voire la liquidation, de ces opposants démocrates sous le prétexte de leur collusion éventuelle avec la rébellion était prévisible, compte tenu des murs politiques de M. Déby, avérées depuis 1990, et compte tenu également du précédent rwandais en octobre 1990, lorsque le président Habyarimana avait utilisé l'agression du Front patriotique rwandais à partir de l'Ouganda pour s'en prendre à son opposition démocrate, et avait même simulé une attaque de Kigali pour procéder à des arrestations.


    Il était clair, donc, que la France devait obtenir ex ante des garanties quant à la sécurité de l'opposition démocrate, avant de fournir son soutien militaire au président Déb! y. J'espère simplement que la France ne prendra pas pour argent comptant les inévitables affirmations de M. Déby selon lesquelles les dirigeants arrêtés, et pour certains d'entre eux peut-être liquidés, avaient noué des contacts avec la rébellion. Explication qui semble inévitable, puisque les rebelles en avaient appelé à la formation d'un forum national réunissant les différentes forces politiques du pays.


    JL : Après les tergiversations durant l'avancée rebelle entre l'Est et N'Djamena, selon vous, quand la décision d'intervenir a-t-elle été prise par Paris ?

    Aladin : Selon vous, la France a-t-elle d'abord envisagé de "lâcher" Déby avant de l'aider ?


    Jean-François Bayart : Encore une fois, je ne sais pas exactement quand le principe de cette intervention a été retenu, n'étant pas la petite souris sous le tapis présidentiel. Mais il semble qu'il y a eu une certaine précipitation sous la pression des événements, not! amment du fait de la défaite de Massaguet le 1er février. La France a même proposé à M. Déby d'organiser et de sécuriser son départ de N'Djamena. Apparemment le 2 février, ce qu'il a refusé pour combattre depuis son palais présidentiel.


    Jules : Voyez-vous pourquoi des troupes d'élite françaises auraient été mises en alerte pour partir au Tchad bien après la reprise de N'Djamena, le 5 ou le 6 février ?


    Jean-François Bayart : Parce que la situation militaire reste fragile. Et le président Déby n'a plus véritablement de réserves. On ne peut donc exclure une nouvelle offensive de la rébellion, même si vraisemblablement les avions français la cloueraient sur place, compte tenu du soutien sans faille qui a été prodigué et proclamé.

    Kal : L'armée tchadienne a, semble-t-il, été ravitaillée en munitions dès le 2 février au soir, pendant le cessez-le-feu négocié par Kadhafi... Par qui ?


    Jean-François Bayart : Je n'ai pas de réponse précise à cette information, mais Idriss Déby, les 2 et 3 février, a manqué de munitions, ce qui l'a mis dans une situation extrêmement périlleuse, outre le fait que son armée s'était débandée.
    Omar : La France a reconnu sa participation à l'acheminement des munitions, notamment libyennes. Est-ce aussi Paris qui a payé ces munitions ?


    Jean-François Bayart : Je ne sais pas. Cela semble possible mais n'est pas forcément nécessaire. Il semblerait que les munitions, ou en tout cas certaines livraisons d'armes, aient été prépositionnées dès le lundi 4 février à l'aube sur l'aéroport de Tripoli, avec une présence militaire au moins logistique française, dans l'attente du vote d'une résolution au Conseil de sécurité qui autoriserait cette livraison. Celle-ci ne serait survenue que dans le courant de la journée de lundi, à l'abri de ce vote du Conseil de sécurité des Nations unies, au sujet duquel il faut néanmoins souligner qu'il n'autorise pas le soutien militaire, contrairement à ce qu'espérait la France.


    MOSSEDET : Le texte de projet de résolution proposée par la France au Conseil de sécurité servait-il à! justifier a posteriori son intervention militaire pour sauver le président Déby ?


    Jean-François Bayart : Oui, incontestablement. Même si la France peut aussi se targuer du soutien formulé à l'endroit du président Déby par l'Union africaine. Mais il est clair que la France a cherché à faire légitimer son intervention par le Conseil de sécurité, et n'a obtenu qu'une demi-satisfaction sur ce plan.


    MOSSEDET : Peut on évoquer la légitimité pour soutenir Déby compte tenu des élections qualifiées par l'ONU d'issues d'un système non crédible ?


    Jean-François Bayart : La légitimité, en tout cas démocratique, du président Déby est une aimable fable. Depuis son arrivée au pouvoir par la force et avec le soutien militaire français en décembre 1990, le président Déby n'a jamais pu, ou vraisemblablement voulu, instaurer un système démocratique. Il a même fait adopter une révision de la Constitution en 2005 qui lui pe! rmettait de se présenter à nouveau aux élections présidentielles de 2006. Ces dernières ont été caractérisées par des fraudes massives et une abstention évidente en dépit des chiffres officiels de participation. La partie la plus peuplée du pays, le Sud, semble notamment complètement aliénée par rapport au système politique, dominé par les factions du Nord depuis les années 1980.


    La légitimité du président Déby, qu'ont réitérée l'Union africaine et bien sûr la France, est au mieux une légitimité de fait, celle que confère le contrôle de la capitale. Encore faut-il ajouter que le président Déby a perdu l'essentiel de ses soutiens, y compris factionnels et familiaux, depuis 2006. Le président Déby est aujourd'hui un homme seul, comme l'a prouvé la déroute de son armée à Massaguet le 1er février.


    Florent : Quels avantages tire la France de cet interventionnisme au plan politique, économique ?


    Jean-François Bayart : Au plan économique, aucun. La principale ressource du pays, le pétrole, est contrôlée par des compagnies étrangères, notamment américaines, et Total s'est retiré de toute activité pétrolière au Tchad, qu'elle avait héritée de la compagnie Elf. Cette dernière était elle-même très réticente à explorer et exploiter des champs pétrolifères dont la structure géologique ne lui paraissait pas favorable. Elle s'y était résolue à la suite des pressions du président Déby, et peut-être de l'armée française, qu'avait relayée le président Mitterrand auprès de son président, Loïc Le Floch-Prigent. L'intérêt économique du Tchad est nul pour la France.


    Sur le plan régional, il est vrai que la chute du président Déby serait gênante pour le président de la Républicaine centrafricaine voisine, [François] Bozizé, qui a pris le pouvoir avec le soutien du Tchad et de la France. Mais les motivations françaises sont plus diffuses et relèvent d'une espèce d'hallucination ! collective selon laquelle il faudrait que rien ne bouge en Afrique, et que la stabilité est une fin en soi. C'est cette hallucination qui déjà avait convaincu la France que le président Mobutu était le garant de la stabilité régionale et de l'unité du Zaïre. C'est elle qui fait s'interroger Paris sur l'absence d'alternative à Idriss Déby.


    Un autre argument avancé, tout aussi fantasmatique, est celui de l'arrivée de l'islamisme, et pourquoi pas d'Al-Qaida, à N'Djamena dans les fourgons de la rébellion. Il est vrai que cette dernière est plus ou moins directement soutenue par le Soudan, en mesure de rétorsion contre le soutien qu'Idriss Déby apporte à la rébellion du Darfour et contre les bombardements effectués en décembre à la frontière de celui-ci. Mais les rebelles qui ont menacé le pouvoir de Déby les 1er et 3 février sont des hommes politiques tchadiens qui sont issus de la faction, et même de la bande, de Déby lui-même. Ils n'ont strictement ri! en d'islamistes et sont de purs entrepreneurs politico-militaires tels que Déby lui-même ou que son prédécesseur, Hissène Habré.


    Jules : La France n'a-t-elle pas des intérêts financiers dans la protection des zones pétrolières du Sud ?


    Jean-François Bayart : Peut-être, mais tout à fait marginaux eu égard à l'ampleur de l'intervention militaire.


    Jules : Le fait que le Tchad soit un terrain d'entraînement pour les militaires français suffirait-il à expliquer ce soutien à Déby ?


    Jean-François Bayart : Peut-être pas à expliquer, mais ce facteur est important. Il est vrai que l'armée française, et notamment l'armée de l'air, trouve des conditions d'exercice et d'entraînement au Tchad, de même qu'à Djibouti, qu'elle ne peut plus avoir en France, pour des raisons de sécurité ou tout simplement parce que la population française n'en supporterait pas les nuisances. Intéressantes également pour l'a! rmée française sont les conditions climatiques qu'offre le Tchad pour certains exercices dans le contexte des interventions militaires, non seulement en Afrique, mais également dans le Golfe, auquel la France est désormais confrontée. Petit facteur qui ne doit pas être négligé : l'expatriation est lucrative pour les militaires français qui en bénéficient, sur un plan strictement financier.


    Kal : Que savez-vous d'un procès France-Tchad sur la non-dépollution des sites d'entraînement?


    Jean-François Bayart : Malheureusement, je n'ai pas d'information et ne peux vous répondre. Mais c'est certainement un vrai problème.

    Opa : Au Tchad, la France ne joue-t-elle pas une sorte de double jeu vis-à-vis de ses partenaires européens qui se sont engagés dans l'Eufor ? Elle ne peut pas être juge et partie au Tchad.


    Jean-François Bayart : C'est en effet l'un des nombreux problèmes de l'Eufor depuis so! n origine. Traditionnellement, les partenaires européens de la France soupçonnent celle-ci de vouloir les instrumentaliser au mieux de ses intérêts propres, et sous couvert de l'européanisation de sa politique africaine.


    Ce soupçon était particulièrement fort en ce qui concerne le Tchad, et il est clair que la manière dont la France s'est engagée militairement aux côtés du président Déby, son échec également à protéger l'opposition démocrate qui avait signé l'accord de consolidation démocratique d'août 2007 sous les auspices de l'Union européenne, ont pu confirmer les appréhensions des capitales européennes, même si ces dernières ont bon an mal an reconduit leur engagement dans l'Eufor, tout au moins pour celles d'entre elles qui s'y étaient résignées.


    Mais il est clair que le forcing français sur le Tchad a contribué à dégrader son image en Europe, et que cette approche aura un coût politique préoccupant à quelques mois de la présidence française de ! l'Union.


    La position de l'Allemagne est connue en ce qui concerne son engagement sur les terrains extérieurs. Mais le vrai problème de l'Eufor est son ambiguïté. Alors qu'elle est associée à un processus politique de réconciliation nationale en République centrafricaine quelle que soit l'ambivalence dudit processus politique, au Tchad, elle est désormais associée à un processus de guerre civile et de liquidation politique ou physique de l'opposition démocrate.


    Par ailleurs, on voit mal comment l'Eufor pourra éviter des confrontations armées dans un pays en guerre civile et dans une région où deux Etats se livrent des combats au moins indirects. L'Eufor va également être confrontée, à la frontière du Tchad et du Darfour, à des problèmes inextricables, et même inintelligibles pour des étrangers, de conflits de factions, d'appartenances ethniques, et plus encore, de droits fonciers ou agraires, de rivalités entre des pasteurs et des agriculteurs, t! ous facteurs qu'elle sera absolument incapable de démêler.


    Dernier point : l'engagement de troupes étrangères sur des théâtres d'opération en Afrique va les confronter à des dilemmes éthiques particulièrement redoutables. Par exemple, dans la société zaghawa, on peut porter des armes à partir de 13 ans, âge de la puberté auquel on est considéré adulte. Est-il acceptable pour un soldat de l'Union européenne de faire usage de ses armes contre un adolescent, même si celui-ci le menace ou est engagé dans des combats ? C'est cette crainte qui taraudait déjà les militaires européens lorsqu'ils ont été engagés dans l'opération Artemis en Ituri.


    Modo : Dans ce contexte, est-il possible, comme l'affirme le commandement de l'Eufor, de ne pas utiliser l'expertise des forces Epervier, qui connaissent bien le terrain ?


    Jean-François Bayart : Les forces "Epervier" connaissent surtout le ciel. Mais effectivement, d'une manière o! u d'une autre, j'imagine que le dispositif Epervier sera sollicité pour fournir du renseignement, voire, si les choses tournent mal, pour sécuriser le dispositif. Nous retrouvons là la très grande ambiguïté de l'articulation entre le déploiement multilatéral de l'Eufor et l'engagement militaire bilatéral franco-tchadien.


    claire_bressan : Quel rôle joue le ministre des affaires étrangères, M. Kouchner, dans cette approche du conflit tchadien ?


    Jean-François Bayart : Un rôle diplomatiquement et médiatiquement assez considérable, puisque celui-ci avait contribué à faire du Darfour l'une des priorités de la diplomatie française et que le président Sarkozy a cantonné l'essentiel de son périmètre d'action à ce problème, ainsi qu'à celui du Liban, non d'ailleurs sans le court-circuiter constamment sur l'un et l'autre de ces deux dossiers. M. Kouchner, de ce fait, est dans une position embarrassante. On a vu comment, au Liban, Claude Gu! éant, secrétaire général de l'Elysée, a interféré avec sa démarche en nouant, sans succès d'ailleurs, des négociations avec la Syrie, qui se sont soldées par un véritable camouflet diplomatique pour la France.


    De la même manière, au Tchad, M. Kouchner doit assumer un soutien militaire consenti à Déby sans qu'il ait été véritablement associé à ce processus de décision, à charge pour lui d'absorber le coût diplomatique et politique de la liquidation de l'opposition démocrate. Le point essentiel est que M. Kouchner a contribué, comme je le disais, à faire du Darfour un axe prioritaire de la politique étrangère de la France. Or ce choix est contestable.


    Au moment de l'élection présidentielle, Hubert Védrine, avec ce brin de cynisme qui le caractérise, disait clairement que le Darfour n'était pas une priorité pour la France. De fait, on peut se demander si notre pays, et même l'ensemble des pays européens ont la moindre chance de peser de manière significa! tive sur cette crise complexe et d'aider à sa résolution. La politique est l'art du possible, M. Kouchner n'en a peut-être pas suffisamment conscience. Par ailleurs, il a donné à la question humanitaire une importance politique démesurée, dont l'affaire de L'Arche de Zoé a démontré qu'elle pouvait ouvrir la voie à des imprudences, voire des scandales, et en tout cas, à un certain mélange des genres.


    Vienne : Comment les Tchadiens réagissent-ils à cette intervention de la France après l'affaire de L'Arche de Zoé ? Qu'en est-il d'un sentiment antifrançais ?


    Jean-François Bayart : Il est difficile aujourd'hui de recueillir l'opinion des Tchadiens dans un pays ravagé par la pauvreté et la guerre, et dans une capitale placée sous état de siège. L'affaire de L'Arche de Zoé a soulevé une immense indignation, même si celle-ci a pu être instrumentalisée et mise en scène par le président Déby, trop heureux de piéger Nicolas Sarkozy à bon! compte et de lui faire payer au prix fort le monnayage des inculpés français.


    Ce qu'il faut bien nommer le vol d'enfants renvoie à la sinistre mémoire de la traite esclavagiste, qui a été particulièrement brutale et prédatrice dans cette région du monde au XIXe siècle. Par ailleurs, le mépris affiché à l'encontre de la justice tchadienne par le président de la République a profondément choqué, alors même que l'effet désastreux produit par son discours de Dakar n'était pas encore dissipé. Il faut voir aussi que la population tchadienne, sans illusions sur la vertu de la rébellion, n'en peut néanmoins désormais plus du régime d'Idriss Déby, et aurait sans doute accueilli avec un soulagement désabusé son renversement. De ce point de vue, je doute que la France ait répondu aux attentes des Tchadiens et qu'elle en tire beaucoup de popularité.


    Marion : Comment expliquez-vous que le président Sarkozy se soit autant impliqué pour des perso! nnes dont tout laisse présumer leur culpabilité ?


    Jean-François Bayart : Tout n'est pas clair dans cette affaire de L'Arche de Zoé, notamment si, comme on l'a dit, ses responsables se sont targués du soutien de l'Elysée, du fait peut-être des relations professionnelles que certains d'entre eux entretenaient avec le frère du président de la République.

    Mais je pense que, plus directement, le "tout à l'humanitaire" de Kouchner a contribué à piéger la France, même si les diplomates du Quai d'Orsay avaient mis en garde L'Arche de Zoé contre les infractions à la loi qu'elle s'apprêtait à commettre. Je crois que ce qui a prévalu chez Nicolas Sarkozy est sa détermination à apparaître comme le sauveur des Français, même lorsque ceux-ci sont impliqués dans des affaires délictueuses ou criminelles.


    Je pense aussi que sa méconnaissance assez abyssale du système international lui a fait confondre des infirmières bulgares prises en otage de m! anière inique par le régime Kadhafi et des criminels humanitaires français non moins pris en otage par le président Déby, mais en étant coupables de faits gravissimes. Il y a un côté "Zorro est arrivé" chez Nicolas Sarkozy qui l'a rendu très vulnérable au redoutable cynisme manipulateur du président Déby. Ce qui, in fine, si l'on résume de manière cruelle la situation, lui a fait échanger six criminels français contre trois ou quatre leaders de l'opposition démocratique tchadienne, sans compter leurs militants impitoyablement réprimés en dehors du regard des médias.


    Sylvie D. : Comment les autorités françaises ont-elles réagi à la parution de votre tribune virulente dans Le Monde le 13 février ?


    Jean-François Bayart : Je pense que cette tribune a suscité une certaine émot! ion. Ce qui me frappe, c'est d'une part le nombre d'e-mails que j'ai reçus d'approbation ou d'encouragement, saluant d'ailleurs simultanément la liberté de la presse en France, et en l'occurrence celle du Monde, et d'autre part, la déconnexion des autorités françaises par rapport à ce sentiment qu'a révélé de manière contingente la publication de mon article.


    Je crains que nos dirigeants ne se rendent pas compte de l'écurement et de l'émotion qu'ont suscités chez nos compatriotes, et bien sûr aussi en Afrique, le discours de Dakar, les propos du président à l'encontre de la justice tchadienne et l'accueil fastueux réservé à Kadhafi au mois de décembre.
    Le Monde.fr
    Chat modéré par François Béguin

     


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  • Des dirigenants de l'opposition légale disparus au Tchad

    L'ex-président Lol Mahamat Choua (en haut à gauche, en 2001, avec Idriss Déby) a été kidnappé par la garde présidentielle le jour du reflux des rebelles. Nombre d'entre-eux ont été emprisonnés (en bas). (AFP)
    L'ex-président Lol Mahamat Choua ( ici en 2001, avec Idriss Déby) a été kidnappé par la garde                    présidentielle le 3 février 2008.

    L'Union européenne réclame des nouvelles de deux chefs de file de l'opposition légale toujours portés disparus à N'Djamena.

    Thierry Oberlé
    15/02/2008 |
    .

    Le sort des opposants tchadiens enlevés à leur domicile par des hommes en uniforme demeure une épine dans le pied de la diplomatie française. Treize jours après le rapt de trois responsables de l'opposition légale au régime d'Idriss Déby, Paris n'aurait obtenu de son allié tchadien que des informations sur l'une des trois victimes de la répression, l'ex-président Lol Mahamat Choua. Cet ancien chef de l'État au pouvoir durant quelques mois en 1979 entre deux coups de force militaire est, selon l'ambassadeur de France Bruno Foucher, détenu dans une prison militaire de la capitale. Aucune précision n'est donnée sur son état de santé ainsi que sur les raisons de son arrestation. Le Quai d'Orsay se contente d'indiquer qu'il devait recevoir hier la visite de la Croix-Rouge.

    Lol Mahamat Choua est considéré comme l'une des rares personnalités politiques tchadiennes pouvant tenir tête au président. Homme des transitions pacifiques, il symbolise l'accord d'août 2007 pour la mise en place d'un processus démocratique conclu sous l'égide de l'Union européenne. Il a été kidnappé par des membres de la garde présidentielle le jour du reflux des rebelles de N'Djamena.

    Après être resté en retrait sur cette affaire dont il ne pouvait pourtant ignorer l'existence, Paris a fini par exiger des éclaircissements. Bernard Kouchner a demandé la remise en liberté de Lol Mahamat Choua si les autorités ne formulent pas d'accusation à son encontre. Le ministre des Affaires étrangères a exprimé le même souhait pour Ngarlejy Yorongar et Mahamat Saleh Ibni Oumar. Mais un silence inquiétant entoure la situation de ces deux autres figures de proue de l'opposition.

    Ngarlejy Yorongar est un député fédéraliste respecté et Mahamat Saleh Ibni Oumar est le porte-parole de la principale coalition de l'opposition. Ils auraient pu servir en cas de victoire de la rébellion de passerelle en vue de la création d'un gouvernement civil de transition.

    État d'urgence

    En pointe dans ce dossier, l'Union européenne devrait inviter lundi le président tchadien, Idriss Déby Itno, à libérer « immédiatement » les opposants disparus. La résolution propose d'« ap-peler le président Déby à agir avec modération » et « à libérer immédiatement » les opposants. Sans tenir d'éventuels chefs d'inculpation. Une absence de réponse tchadienne pourrait compliquer les relations entre Paris et ses partenaires européens.

    L'UE demande également aux gouvernements du Soudan et du Tchad « de cesser immédiatement de soutenir et d'équiper les groupes armés » afin d'« arrêter l'escalade actuelle des combats ». Si les Soudanais appuient en sous-main les mouvements rebelles qui tentent de renverser Idriss Déby, les Tchadiens interviennent, de leur côté, en faveur le Mouvement de libération du Soudan (MSL) et le Mouvement de la justice et de l'égalité (MJE), deux groupes d'insurgés impliqués dans les affrontements au Darfour. « Déby finance les rebelles du Darfour », assure Ousmane Hussein, le porte-parole des rebelles tchadiens à Paris. Certains de ces groupes empêcheraient des civils du Darfour qui fuient les atrocités de franchir la frontière du Tchad.

    Idriss Déby a proclamé hier l'état d'urgence pour contrôler les mouvements sur le territoire et réduire les libertés publiques. Hanté par les trahisons dans son entourage, il a nommé ministre de la Défense l'un de ses proches, Mahamat Ali Abdallah Nassour. Le portefeuille de la Défense était vacant depuis décembre, lorsque le chef de l'État avait chassé Ma-hamat Nour Abdelkerim, un an-cien dirigeant rebelle qui l'avait rallié mais dont la loyauté était mise en cause. Issu de l'ethnie présidentielle des Zaghawa, Nassour était jusqu'à présent ministre des Mines et de l'Énergie, un secteur clé puisqu'il permet de con-trôler la rente pétrolière. 


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  • Après avoir passé dix-sept années au Palais rose, Idriss Déby Itno a battu tous les records de longévité d’un chef d’État tchadien. Longévité a beau rimer avec stabilité, le long magistère de l’homme fort de N’Djamena n’a jamais été de tout repos. Rébellions à répétition dans le Tibesti, factions politico-militaires installées dans les capitales voisines, désertions et félonies d’officiers supérieurs, ralliements et trahisons ont régulièrement émaillé son « règne ». Une précision s’impose, cependant : l’instabilité n’a pas épargné les prédécesseurs d’Idriss Déby Itno. De François Tombalbaye à Hissein Habré en passant par le général putschiste Félix Malloum ou encore le guérillero Goukouni Weddeye, aucun chef n’a pu exercer sa mission sereinement. Quelle est donc cette malédiction qui vaut au Tchad cette éternelle instabilité ?     
    Mosaïque ethnique, le pays est divisé entre un Nord musulman et un Sud animiste. Au lendemain de l’indépendance, en 1960, le pouvoir revient à la majorité sudiste, qui le confie à François Tombalbaye. L’euphorie de la souveraineté masque alors les clivages ethniques, régionaux et religieux. C’est l’ère des coups d’État militaire et, au Tchad comme ailleurs, le pouvoir civil se méfie comme d’une guigne de l’armée. François Tombalbaye en confie le commandement à un membre de son ethnie. Pas question qu’un Tchadien originaire du Borkou, de l’Ennedi ou du Tibesti (les trois grandes régions du Nord) accède à une haute fonction au sein de l’état-major. Promotions et grades supérieurs sont distribués en fonction de l’état civil et non sur des critères de compétence.  

       

    Quand, en 1975, cette armée renverse Tombalbaye, le colonel putschiste Félix Malloum prend conscience du déséquilibre ethnique dans la grande muette. Pour former le Comité de salut militaire (CSM) devant constituer l’instance suprême du pouvoir, il ne trouve aucun officier supérieur pouvant représenter les régions et ethnies septentrionales. Il doit promouvoir deux sous-officiers au grade de lieutenant pour les inclure au CSM. Mais il ne fait rien pour corriger le mode de fonctionnement tribal de l’armée. Quand plus tard les rébellions nordistes prendront successivement le contrôle de N’Djamena, elles reproduiront le même système, le commandement de la troupe revenant systématiquement aux hommes de confiance du nouveau chef de l’État.

    C’est pourquoi l’armée tchadienne n’a jamais pleinement rempli sa mission, à savoir la défense du pays. Plus grave : elle n’a servi le pouvoir en place que lorsque ce dernier payait ses services rubis sur l’ongle. Ce mode de fonctionnement a eu des conséquences terribles. La frontière entre forces loyalistes et rebelles est ténue, et si ailleurs en Afrique le concept de transhumance politique s’est développé, les Tchadiens ont inventé la transhumance militaire. C’est ainsi que des chefs d’état-major sont devenus, du jour au lendemain, des chefs de rébellion, que des ministres de <ST1:PERSONNAME productid="la D←fense" w:st="on">la Défense</ST1:PERSONNAME> ont rompu avec le pouvoir pour créer leur propre faction. L’absence d’armée républicaine coûte encore aujourd’hui extrêmement cher au pays. Et c’est toujours la population qui en paie l’addition.


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